À la surface des choses

À la surface des choses, peintures, Centre d'exposition Raymond-Lasnier de la Maison de la Culture de Trois-Rivières, 2002.

Une série de tableaux où la couleur, la lumière et le pli occupent la place centrale du tableau. Délaissant la mimesis, j'invite à quitter le réflexe à tout nommer rapidement, tout comprendre, tout identifier clairement, tout étiqueter, tout mettre en boîte. Seul demeure l'intérêt pour ce qui se montre là: une surface colorée et lumineuse.

Bien que les tableaux soient polysémiques, leur titre oriente une lecture possible. "Petites méditations à l'emporte-pièce", "De silence et d'enchantement" et "Le pli (ou l'espace pictural n'est pas celui de la pensée)" proposent clairement une voie contemplative pour aborder les images. Elles invitent à prendre le temps de voir. Les tableaux deviennent des catalyseurs pour une petite méditation, une pause contemplative. Cette lecture est accentuée par la disposition des tableaux, pour plusieurs regroupés par trois, évoquant les triptyques religieux traditionnels. Mais leur contenu ici n'a rien de religieux. Ils appellent simplement à une posture philosophique d'attention, d'ouverture, à une approche poétique de l'existence des choses où l'on sait encore apprécier avec raffinement, pudeur et tact ce qui s'offre généreusement ou subtilement à nous.

Le titre de l'exposition m'est suggéré par Cioran et Nietzche, qui s'élèvent tout deux contre la volonté de tout comprendre à tout prix, non par amour de la superficialité, mais bien plutôt par respect pour la profondeur:

"Nous ne croyons plus que la vérité reste vérité sans ses voiles; nous avons trop vécu pour cela. Nous faisons maintenant une question de décence de ne pas vouloir tout voir nu, de ne pas assister à tout, de ne pas chercher à tout comprendre et tout "savoir" [...] On devrait honorer davantage la pudeur que la nature met à se cacher derrière l'énigme et les incertitudes. [...] Ah! Ces Grecs, comme ils savaient vivre! Cela demande la résolution de rester bravement à la surface, de s'en tenir à la draperie, à l'épiderme, d'adorer l'apparence et de croire à la forme, aux sons, aux mots, à tout l'Olympe de l'apparence! Ces Grecs étaient superficiels... par profondeur! [...] Ne sommes-nous pas, précisément en cela..., des Grecs? Des adorateurs de la forme, des sons, des mots? Artistes donc?"
Nietzsche, Le Gai Savoir, Gallimard, 1950, p.15

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Trois chants pour un silence souverain. 2002. Acrylique sur toiles.
71 x 40,5 cm ch. (Collection particulière)

Murmure. 2002. Acrylique sur toile cousue. 81,5 x 79 cm.