Huit silences

Huit silences, peintures et estampes, Galerie d'art du Parc, Trois-Rivières, 2003.

J'explore la notion de silence. Quatre estampes. Quatres peintures. Un même format. Pour cette exposition, je suis lauréate de la Bourse Gilles-Verville récompensant le meilleur projet d'un(e) étudiant(e) finissant(e) du baccalauréat en arts plastiques de l'Université du Québec à Trois-Rivières, cohorte 2003.

"Je me sentis soudain anxieux. D'un seul coup, le silence avait cessé de respirer."
Fernando Pessoa


Litanies des possibles. 2003. Gravure (eau-forte et chine collé). 112 x 78 cm.
(Collection de la BNQ, mention)
Fluctuation d'absences. 2003. Acrylique sur toile cousue. 117 x 79 cm.
(Collection particulière)
L'occurence. 2003. Gravure (eau-forte et chine collé). 112 x 78 cm.
(Collection de la BNQ)


Silence-moi. 2003. Acrylique sur toile cousue. 117 x 79 cm.
(Vue partielle de l'exposition, dans l'une des magnifiques salles d'exposition de la Galerie d'art du Parc.)



«Le silence nous est nécessaire. C'est dans le silence que nous portons attention à la finesse des choses et que nous pouvons saisir l'occurrence qui se tient bien souvent dans un battement de paupière1. Sans le silence, nous passons à côté du détail qui fait l'événement. Le silence absolu n'est cependant pas possible. Il n'est d'ailleurs pas souhaitable. Le silence ne s'entend que dans l'intervalle entre les sons2. Or, l'intervalle entre les sons nous manque3. L'intervalle entre les paroles nous manque. L'intervalle entre les pensées nous manque.

Dans l'univers du visuel, l'intervalle entre les images ne nous manque-t-il pas aussi? Quel paradoxe alors que de créer une oeuvre lorsque l'on réclame le silence visuel! Pourquoi alors ne pas s'abstenir de peindre afin de ne rien ajouter à tout ce visuel? C'est que le silence se voit aussi dans l'intervalle. Le silence pictural n'est alors pas un vide, mais un composé de micro-sensations, de micro-événements à partir desquels nous sommes invités à porter attention aux choses.

Les peintures et les gravures que je présente ici sont ce que j'ai désiré être des monuments de silence4. je me suis intéressée à créer des oeuvres aux compositions minimales et rigoureuses, qui appellent une posture d'attention et d'ouverture. Les stries, l'espace et la monochromie occupent une place importante. Au point de vue sémantique, il s'agit de huit interprétations différentes du silence. Chacune nous met en contact avec une expérience particulière de silence. Les titres donnés aux oeuvres sont autant de portes d'entrée dans ces poèmes visuels.»



1. Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien / 1. La manière et l'occasion, Paris, Seuil, 1980, p.124.
2. "Le silence, c'est du temps perforé par des bruits." (Marc De Smedt, Éloge du silence, Paris, Albin Michel, Coll. Espaces libres, 1986, p.10.)
3. J'aime savoir que des ingénieurs scandinaves cherchent à mettre au point un bruit anti-bruit, créateur de plages de silence dans l'océan des sons. J'aime aussi savoir qu'il existe des juke-boxes portant des disques de silence où il suffit de mettre une pièce de monnaie pour entendre un moment de silence. (Selon Marc De Smedt, Op.cit., p.14 et 27.)
4. Momunents au sens où l'entend Deleuze. (Gilles Deleuze, "Percept, affect et concept", Qu'est-ce que la philosophie?, Paris, Minuit, 1991, 154-188.)
Isabelle Dumais, présentation de l'exposition