Tableaux de silence

Tableaux de silence, peintures, Galerie d'art du Parc, 2005.

«Il faut apprendre à préserver le presque.»
Rober Racine
Avec les tableaux de silence, je tente de ne préserver que l'essentiel, que le presque, que le souffle qui anime une oeuvre. Pour cela, je choisis le dépouillement formel: une grande surface colorée traversée d'une ligne horizontale tangible, cousue. Je cherche à peindre ainsi des blocs de silence, des tableaux où le silence est entrevu, plus que vu: dans les dessous de la peinture, en circulant entre les voiles de glacis, puis dans l'épaisseur du plan, au-delà de la couture. Ces tableaux nous invitent à porter attention au presque. Mon travail a alors certaines affinités avec l'architecture romane, l'art minimal, le color field painting. Au-delà de mes préoccupations premières d'ordre formel et perceptif, j'aime aussi que les tableaux fassent surgir de notre mémoire des images. La ligne d'horizon et le paysage. La cicatrice et la peau. Ces images nous rappellent certaines expériences vécues associées au silence. Mais c'est lorsque ces images familières se superposent en une ligne d'horizon-cicatrice ou en un ciel-peau que nous arrivons, peut-être, à voir le silence d'une manière inquiétante, étrange, fortement et subtilement à la fois. Ce silence de l'expérience de la fêlure, du dessaississement, de la paix ou encore du dépli.


«Le je-ne-sais-quoi est parfois ce qui manque, mais lui-même n'est jamais un manque: il est une plénitude qu'on surprend en détournant le regard, et qui se dérobe dès qu'on prétend la saisir comme chose présente.»
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, tome 1: La manière et l'occasion, Paris, Seuil, Coll. Points. Essais, p. 76.


Le grand dépli. 2004. Acrylique sur toile cousue, 210 x 180 cm.
Ciel-peau ou "La peau s'échange contre le ciel" (E. Turcotte). 2004. Acrylique sur toile cousue, 210 x 180 cm.


Paix ou "I can see clearly now". 2004. Acrylique sur toile cousue. 150 x 120 cm. (Collection particulière)



De fêlure et d'intensité. 2004. Acrylique sur toile cousue. 150 x 120 cm.



«[...] le je-ne-sais-quoi est [...] principe d'inquiétude et d'excitante incomplétude; l'homme sous-le-charme n'est pas un homme en état d'euphorie, c'est-à-dire de bien être, mais à certains égards un indigent en état d'aporie et d'inassouvissement fécond: il reste donc, pour une part, sur sa faim; [...] car celui qui entrevoit désire voir ce qu'il entrevoit, sentir ce qu'il pressent. L'entrevision, tendant vers la vision, nous force à chercher, et le vide même qui aère au-dedans ce mystère à moitié caché nous attire et nous trouble.»
Jankélévith, Op.cit., p. 109.

Ce bloc de silence 1 ou cette nappe de calme étrange. 2004. Acrylique sur toile cousue. 150 x 120 cm.